Anyone. Anytime. Anyplace.
Aël se trouvait dans sa chambre, il étudiait comme il le faisait chaque jour depuis tout petit déjà. Il était un bon élève, sérieux mais discret, un élève qui en voulait et qui travaillait dur pour s'assurer une belle situation dans l'avenir. Il espérait vieillir accompagné de son jeune frère Gabriel dont il prendrait soin. Gaby et lui avaient deux ans de différences et n'étaient pas vraiment proches, ils vivaient dans deux mondes différents. Le monde réel, et le monde de Gabriel, un monde dont il était le seul maître, un monde que seul lui connaissait et que personne ne pouvait approcher ni même comprendre. L'autisme le condamnait à vivre dans ce monde, son monde au détriment de la vraie vie, celle faite de personnes réelles. Le jeune garçon se détachait de tout ce qui le conduisait de près ou de loin aux choses dont il ne connaissait rien, effrayé par l'inconnu et anxieux de chaque nouveauté, le jeune garçon ne trouvait sa place que dans cet espace que seul lui-même connaissait.
Aël comprenait maintenant la situation, il lui avait fallu du temps, et de nombreuses discussions avec ses parents et des spécialistes, et même si la relation avec son frère se trouvait au point zéro, il ne désespérait pas de le voir un jour apaisé. Il espérait un jour pouvoir chasser ses craintes, guérir ses douleurs et le voir simplement heureux. Enfin, en attendant il devait faire son devoir de math et autant vous dire que ce n'était tout simplement pas son fort. Sans même avoir encore écrit ne serait-ce que le numéro du premier exercice, le jeune brun descendit à la cuisine boire un verre de lait. Son frère se trouvait dans le salon, assis au coin du feu, les flammes se reflétant dans ses lunettes, il semblait plutôt calme. Aël passa sans faire de bruit et arriva dans la cuisine où il se servit, son frère entra à son tour. Étrange, ce n'était pas vraiment sa routine habituelle de le suivre ainsi. « Hey Gaby, tu en veux ? » lui demanda-t-il en pointa la brique de lait du doigt. Le jeune garçon ne lui répondit pas, mais ne se mit pas en colère non plus, il s'approcha doucement de lui et l'étreignit simplement. Pour la première fois.
Assis par terre, il pleurait à chaudes larmes. Épuisé, respirant difficilement il essaya de se relever, mais ni parvint pas. Aël Leandres se trouvait à quelques mètres de chez lui, dans ce petit lieu qu'il affectionnait bien plus que les autres. Ce petit coin de tranquillité qu'il s'était construit lui-même, une simple petite cabane dans le bois près de la maison des Holcomb. Il voyait en ce lieu un refuge loin des problèmes, malheureusement, aujourd'hui, même ce petit coin qu'il était seul à connaître ne l'apaisait pas et les larmes ne cessaient de couler. Il s'en voulait, oh putain il s'en voulait terriblement, et pourtant.. Il savait que son frère pouvait agir de façon violente envers les autres, mais il ne l'avait encore jamais vu s'en prendre à lui-même d'une façon aussi brutale.
Il n'avait jamais lu autant d'agressivité et de haine dans son regard, non jamais. Gabriel n'avait que dix ans, ce n'était qu'un bébé, un enfant qui n'avait pas conscience du danger et de la douleur. Un enfant plus intelligent que les autres, qui effrayait la plupart des enfants de sa classe, un gosse diffèrent des autres. Aël s'était imaginé plusieurs fois cette situation, mais jamais l'imagination ne l'avait conduit à une douleur aussi intense, aussi puissante qu'en ce jour. C'est fou comme le rêve peut vous conduire à imaginer les choses les plus belles, mais jamais ne vous faire ressentir la douleur comme la réalité. Gabriel avait raison, la réalité faisait mal. Mais Gabriel n'était plus de ce monde. Il n'avait pas pu l'aider, Aël avait échoué. Gabriel s'était tué, volontairement, ou involontairement personne ne le serait jamais.
Brisée et exténuée, elle essaya de se relever, mais ni parvint pas. Sa jambe était sans doute cassée à cause de ce dernier coup, plus violent et plus puissant que les cinq autres. Rose Leandres se trouvait dans sa propre chambre, son visage, son si beau visage, d'habitude si fin, presque enfantin était boursouflé à force de coups. Ses cheveux d'un blond si clair se retrouvait parsemés de tâches rouges sombres. Son instinct lui disait qu'il n'était pas loin, mais qu'il n'allait pas revenir, non ce n'était pas aujourd'hui qu'il allait en finir avec elle, ce n'était pas son heure. Comme après chaque coup de colère il devait être parti se doucher, comme si une simple douche pouvait effacer toute cette souffrance. Rose attendait, elle attendait ce petit bruit que l'on entend lorsque la douche se met à couler, mais bizarrement ce fameux bruit ne vint jamais. Cinq minutes, puis dix, puis quinze, ce n'était pas normal. Le silence était pesant, elle n'entendait aucun bruit de pas, aucun craquement, rien, seulement sa respiration, faible et rauque. Que pouvait-il foutre ? Non, il ne... Il n'aurait pas... Prise de panique, elle essaya de se lever, cette simple pensée lui avait totalement fait oublier sa douleur et sa peur. Depuis la mort de Gabriel, son mari était devenu violent, forçant souvent trop sur la bouteille, il s'en prenait à elle, seulement elle, mais s'il s'en prenait à son fils, à sa chair, son bébé, s'il le touchait, elle n'aurait d'autre choix, il faudrait qu'elle le tue.
C'est donc en rampant qu'elle s'approcha de leur lit, à Jack et elle. Elle s'y appuya pour se relever et c'est en titubant de mur en mur qu'elle arriva à l'encadrement de la porte de la chambre de son fils. Pitié qu'il ne soit pas là, pitié qu'il soit n'importe où, mais pas ici, pensait-elle et au plus profond d'elle, elle se mit à prier à implorer ce Dieu, en qui elle ne croyait pourtant pas. C'est donc en rampant qu'elle s'approcha de leur lit, à Jack et elle. Elle s'y appuya pour se relever et c'est en titubant de mur en mur qu'elle arriva à l'encadrement de la porte de la chambre de son fils.Pitié qu'il ne soit pas là, pitié qu'il soit n'importe où, mais pas ici, pensait-elle et au plus profond d'elle, elle se mit à prier à implorer ce Dieu, en qui elle ne croyait pourtant pas. C'est cette nuit là, lorsque Aël n'était âgé que de douze ans que son père, lassé de "passer son temps" constamment sur la même personne, avait décidé d'élargir le nombre de ses victimes. Sa femme ne lui suffisait plus, il fallait qu'il se trouve un nouveau punching ball pour passer ses nerfs. Et pourquoi chercher plus loin, lorsque son propre fils se trouve là, à quelques pas de sa propre chambre ? Et puis il ne le dénoncerait jamais, ça il en été certain et il s'en assurerait. Et ce n'était pas cette sale garce de Rose qui allait parler, il savait comment la faire taire. D'ailleurs elle n'en aurait plus pour très longtemps, plus ou moins six mois ou même peut être huit, tout dépendrait de son humeur au moment venu.
Il lui laissa six mois, "accident domestique".Aël vit aujourd'hui seul et ce depuis ses dix-huit ans, après avoir vécu six ans avec son père qui n'était pas vraiment le père aimant dont tout le monde rêve. M'enfin, il n'en est pas mort, et même s'il éprouve la plus grande haine du monde à son égard il reste son père, et il sait pertinemment qu'au fond il est resté le même homme, l'homme qu'il admirait, celui qui lui servait d'exemple, qui leur servait d'exemple à Gaby et lui. Aujourd'hui il n'est plus ce petit garçon innocent, aujourd'hui, oui comme tout le monde il a changé, il a grandi.
Il gagne sa vie comme un grand, grâce à ses dessins et fait ce qu'il veut de son argent, qu'il gaspille dans des tas de choses pas vraiment légales. Voilà sa vie ne se résumait plus qu'à ça, jusqu'à ce fameux jour où il a perdu pied, ce fameux jour où tout a rebasculé, lui qui pensait en avoir déjà assez vécu. Du plus loin qu'il se souvienne c'est à partir de là que s'est bousculé, qu'il est devenu complètement dingue, se réveillant en plein milieux de la nuit du sang sur les mains, ou dans un bar complètement torché. Sa mémoire lui joue des tours, il ne se rappelle de rien.
C'est grâce à cette fille là-bas sur un banc, cette fille aux cheveux or qu'il a compris, qu'il a compris qu'il n'était pas fou, cette fille lui a tout expliqué, cette fille il l'aimait, enfin il l'aime toujours. Aujourd'hui il ne se souvient pas du surnaturel, mais il se souvient d'elle, il se souvient l'avoir tenu dans ses bras, avoir passé des heures avec elle, mais, elle ne semble même pas le connaître..