It's a family thing
Nate & Mery

« Dans 200 mètres, tournez à droite. » Lâchant le volant d'une main pour abattre celle-ci sur le GPS, Meredith fixa le boitier noir d'un air mauvais. « Je sais où tourner, idiot, dis-moi plutôt comment je suis censée t'éteindre ! » Au bout de deux autres rues, elle laissa finalement tomber, levant momentanément les paumes pour faire comprendre à son ennemi technologique qu'elle se rendait. Oncle Chris lui avait offert une nouvelle voiture -une folie passagère, ils avaient à peine à eux deux assez de revenus pour garder la maison- et forcément il avait choisi le bolide le plus équipé possible. Il savait pourtant bien qu'elle et la technologie, c'était pas vraiment ça ; il suffisait de voir à quel point elle était prête à renvoyer de son magasin le premier gamin qui venait demander des conseils en téléchargement illégal plutôt que de jeter son dévolu sur ses vinyles. Perdue dans ses pensées, elle se rendit à peine compte qu'elle était enfin arrivée sur le parking du lycée de Twin Cover. Sa gorge se serra tandis que les souvenirs remontaient lentement, crevant les traumatismes enfouis et ... Non. Elle n'était pas venue pour se la jouer sentimentale comme ça. Claquant la portière en sortant, elle se dirigea vers l'entrée principale du bâtiment -la précieuse photographie mystère du tableau pressée contre son cœur, dans la poche intérieure de sa veste.

Il fallait qu'elle comprenne ; qu'on lui explique pourquoi l'un des professeurs de la ville ressemblait trait pour trait à un de ses ancêtres. Une seule explication tenait debout pour elle, mais elle refusait de s'y arrêter. Pourtant, même le nom concordait. Elle n'avait plus qu'à aller voir d'elle-même. D'un pas voulu assuré, elle s'avança vers le secrétariat pour demander le bureau de Nathan Watson, le professeur d'histoire en question. La vieille dame leva vers elle une paire de lunettes embuée. « 'Fond à droite » Forçant un sourire pour la remercier, Mery suivit les instructions avant de se retrouver confronter à une porte. Sans hésiter, elle toqua une, deux, trois fois avant de décider de s'inviter d'elle-même à l'intérieur. Un brun était assis derrière le bureau. « Excusez-moi l'intrusion, vous êtes bien M. Watson ? »

BY .TITANIUMWAY

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Balançant le poids de son corps d'un pied à l'autre, Mery observa l'homme de haut en bas. A première vue, il ne paraissait pas plus vieux qu'elle -si bien que le voir occuper la place d'un professeur l'étonna même presque. Mais après tout, elle avait bien 22 ans et son propre commerce. Sentant son esprit partir trop loin du sujet d'importance, elle s'obligea à se reconcentrer. Le brun lui confirma son interrogation avant de se lever ; elle se braqua automatiquement dans un réflexe stupide de distance de sécurité. Qui qu'était vraiment Nathan Watson, quelque chose lui disait de rester sur ses gardes avec. Le regard de la chasseuse ne le quitta pas d'une seconde, surtout lorsqu'il décida de contourner le bureau pour mieux prendre appui dessus. Du coin de l’œil, alors qu'elle essayait de faire bonne figure en souriant, elle aperçu un verre à moitié vide -ou plein, elle était plus du côté des pessimistes- et fit la grimace. Un alcoolique ? Un dépendant ? Elle décida de passer outre. « Je m'appelle Meredith Denver ; ça ne vous dit probablement rien et de toute façon je ne suis pas là pour ça. » Un sourire poli. Un hochement de tête. Elle avança d'un pas. « J'aurai besoin de votre expertise sur quelque chose ; c'était trop... Disons historique pour moi. Ça vient des archives généalogiques de ma famille. » S'approchant de plus belle, elle commença à déplier la photo cornée, jugeant discrètement sa réaction.

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Observant la réaction du professeur alors qu'il se pencha sur la photographie comme pour mieux voir, Mery déglutit nerveusement. Elle avait fini par apprendre en autodidacte à lire sur les visages -la chose s'avérait relativement utile à une certaine époque pour prévoir sur une échelle de un à dix la violence des harcèlements qu'elle pouvait recevoir. Mensonge, peur, rancœur, incompréhension ... La liste des émotions les plus facilement reconnaissables physiquement était assez longue. Analysant chaque détail pour capter ce qu'il pouvait bien ressentir, elle hocha la tête d'un air intéressé lorsqu'il lui annonça de combien datait le document. 1570, donc ? A supposer qu'elle avait vu juste, elle doutait que le simple pieu rangé dans sa veste suffirait. « Que voulez-vous savoir d'autre Mademoiselle Denver ? » Ce qu'une sangsue fout dans mon arbre généalogique, pensa t-elle en s'obligeant à se taire. Ramassant la photo dans sa poche, elle haussa des épaules. « Vous voulez entendre un truc amusant ? » Tout en reculant un peu, elle s'adossa à son tour contre un table du premier rang. « C'est la dernière photo de lui. Rien après 1570. Nada. L'"oblivion photographique".» Mimant l'étonnement le plus poussé, elle reprit rapidement son sérieux. « Et le plus amusant -attendez la chute, c'est excellent ; c'est que monsieur repointe le bout de son nez des décennies plus tard, comme si personne n'allait le remarquer ! » Autant lui faire comprendre dès maintenant qu'elle savait ; sa patience n'était pas grande au point de prétendre pendant des heures. Gardant une main près de son arme, elle se figea. « Je pense que vous pouvez faire mieux en terme d'informations à me donner. »

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