Tout le monde sait que quand on se pète le petit orteil en sortant du lit, que quand on arrive au boulot en retard, que quand on se fait gueuler dessus par son patron tout l'avant-midi, on va passer une journée de merde. C'est un peu ce que je me suis dit en sortant du boulot, vers le début de l'après-midi. J'avais été convoquée de bonne heure au bar, ce qui m'avait étonnée. Je m'étais levée du mauvais pieds, j'étais déjà de mauvaise humeur et mon patron voulait que je vienne faire un peu de ménage pour la soirée de ce soir, qui s'annonçait être toute une partie de plaisir. Torcher des toilettes, des tables sales et des sols plein de poussière... c'est pas ce qu'il y a de génial lorsqu'on est de mauvais poil.

Mes talons martelaient le sol, mon regard - heureusement caché par mes lunettes de soleil - lançaient des éclairs à qui voulait bien me regarder moins de deux secondes. Mes mains, rangées dans mes poches, jouaient avec la monnaie qui y reposait afin de passer mes nerfs. Franchement, j'aurais du rester couchée. S'il y avait bien quelque chose que je voulais faire en ce moment, c'était prendre une douche chaude, m'habiller confortablement et aller peindre. Peindre encore et encore. Peindre jusqu'à m'en arracher les doigts et les yeux. C'était une bonne idée.
Une fois à la maison, je gueule JE SUIS RENTRÉE histoire de voir si Minnie est là. Pas de réponse. Je peux donc aller dans la douche sans problèmes. Deux temps trois mouvements, je suis propre, habillée et déjà de meilleure humeur. Je prépare mon stock que je fout rapido presto dans mon sac, et sans demander mon reste, claque la porte derrière moi sans la barrer. De toute manière, y'a rien à voler sauf un vieux pc miteux.


Il fait beau, y'a pas mal de monde et le parc sent la fraîcheur, le bonheur, les tulipes. D'accord, j'en met un peu trop. Un sourire étire les commissures de mes lèvres, et je prend une bonne inspiration afin de me mettre dans le mood. Je marche un peu puis, voyant un banc libre, décide de m'y poser tranquillement. En sifflotant un air un peu niais et joyeux, je déplie mon chevalet que j'installe devant le banc. Je pose la toile de façon a ce que je puisse avoir une vue d'ensemble sur le parc. Aujourd'hui, on peint des paysages! Je dépose mon derrière sur le banc, sort un pinceau et ma palette de peinture, et fait aller mon poignet de manière agile afin d'étendre sur la toile la peinture qui tenait au bout de mon pinceau.
Prise dans mon élan, je peint pendant environ vingt minutes sans m'arrêter. Je souris sans vraiment savoir pourquoi. Je termine la ligne de l'arbre a gauche et retire mon pinceau en soupirant, lorsqu'une ombre s'installe a mes côtés. Je tourne la tête un peu de sorte a pouvoir voir qui c'était. Je reconnais rapidement ces traits d'une beauté m'ayant coupé le souffle la première fois. Ce regard perçant, ces cheveux blonds. Mon sourire s'efface lentement. Je me rappelle aussi l'incident du café, et la colère noire de la demoiselle. Oh. Je baisse la tête un peu, déjà prête à recevoir les foudres de la belle blonde.