Anyone. Anytime. Anyplace.
Je me sentais faible. J'avais la tête qui tournait et toute la journée je n'avais pas été dans mon assiette. Les cours se terminait et je n'avais pas le courage de me rendre à l'entraînement. J'avais sûrement attrapé un virus qui me mettait complètement K.O. J'étais fatigué. J'avais des bouffée de chaleur. Je suais sans rien faire. D'après mes amis, j'étais blanc, presque pâle. J'avais l'air d'un zombie. Dehors, il faisait pourtant une chaleur épouvantable mais je frissonnais. Je grelotais même. J'étais un cadavre. On me prendrait probablement pour un mort-vivant. J'arrivais à peine à marcher normalement et j'étais succinct dans mes réponses. Autrement dit, le mal m'avait envahie car j'étais toujours le premier à donner mon avis et à faire part de mon point de vue. Aujourd'hui, ce n'était pas ma journée.
« Ça doit être l'effet de la pleine lune... » Me lança une amie en rigolant tandis que je détachais mon vélo pour rentrer chez moi. Je redressais mon visage vers elle, ricanant pour cacher mon appréhension. Et si elle n'avait pas tord... Et si c'était ma nuit... La nuit de ma transformation.
« Je, je... Je dois te laisser. Je ne me sens pas bien... » J'enfourchais mon vélo et filais à toute vitesse dans les rues de Phoenix pour avertir mes parents. Mon jeune frère avait encore du temps, moi beaucoup moins. Je deviendrais pleinement un loup-garou ce soir quand les rayons de la pleine lune m'effleureront.
« Maman, Papa ! » Hurlais-je en entrant en trombe dans la maison. Il était un peu plus de 17 heures, je savais qu'ils étaient là.
« Ça y est, c'est pour ce soir ! » Je les vis alors sortir de la cuisine et du salon avec ce regard de fierté qui les animait. Je leur souris.
« Mon chéri, je suis fière de toi. » Ma mère me prit dans ses bras. Mon père, quand à lui, ne dit rien et déposa seulement sa main sur mon épaule. Mais je comprenais qu'il était lui aussi fier de cette nouvelle.
« Ce soir, tu m'accompagneras. » J'acquiesçais d'un signe de tête. Ce soir, je deviendrais un homme, un véritable loup. Mon père exécuterait ce rituel de passage issu de notre héritage familial. Je ne le connaissais. Il ne m'en
avait jamais parlé mais je savais que lui ainsi que son père et son père avant lui et ainsi de suite y étaient passés. Je me devais de respecter notre tradition. Nous étions une famille de loup-garou depuis des centaines d'année et je me devais de reprendre le flambeau. Étant l'aîné, je serais le prochain Alpha de notre meute. J'avais ce poids et je l'assumais, bien que ça signifiait que je devrais tuer mon père pour prendre sa place le moment venu, lorsque son temps d'Alpha sera révolu.
La nuit tombait peu à peu sur Phoenix. Je me préparais à partir, ayant vu de nombreuses fois mes parents le faire. Je savais exactement quoi faire et quoi prendre.
« Prêt, Rory ? » Je dévalais les escaliers sous le regard de mon frère cadet qui était resté sur le palier. Son tour viendrait. Il le savait.
« C'est bon. » J'avais prévu de vêtements de rechange car après la transformation, il y avait un risque pour que les miens soient déchirés. Je montais alors dans le pick-up familial et prenait la route uniquement accompagné de mon père. J'appréhendais légèrement ma première transformation. J'avais peur de perdre le contrôle trop facilement et de tuer quelqu'un. Cependant, mon père me rassura.
« T'inquiète pas, fiston... Ça va va bien se passer. » Je lui souris. Nous nous enfoncions de plus en plus dans le désert. J'étais soulagé. Si je tuais quelqu'un, ça ne serait que des animaux. Les heures passèrent et, assis près d'un feu au milieu e nulle part, je regardais la lune se levait. Je faisais craquer mes os. Je sentais le loup qui s'éveillait en moi. Mes sens en étaient décuplés.
« Courage, fils... » Je tombais alors à terre, hurlant de toute mes forces tellement la douleur était intenable. J'avais mal, si mal que je ne pensais plus à rien. Je criais une nouvelle fois, levant ma tête au ciel quand mes yeux changèrent de mon bleu habituel à un jaune chaleureux.
« Aaaaaaaaah !!!! Ca fait si mal !!! » Je ne pouvais pas m'arrêter de hurler. Je voyais ma transformation qui se faisait sous le regard attentif d'un père inquiet.
« Tu peux le faire, Rory ! C'est dans nos gênes ! » La transformation complète, je me retrouvais mi-homme, mi-loup tandis que mon père, loup à part entière, me fixait de ses yeux rouges. Son hurlement retentit dans le désert et fit écho. Je l'imitais et j'eus immédiatement l'impression que les esprits de nos ancêtres nous entouraient comme si dans nos deux cris se ressentaient les générations précédentes et disparues. C'était donc ça le rituel de passage de notre famille...
Je rentrais tardivement à la maison (ou plutôt très tôt). Au début de mes études, je n'avais pas quitté le cocon familial bien que j'avais pris une certaine indépendance au fil des années. La veille, j'avais été diplômé. J'étais secouriste. J'entrais maintenant dans la vie professionnelle et j'avais déjà un emploi dans l'une des casernes de la ville. Je n'avais plus qu'à trouver un appartement et emménagé loin de la maison de mon enfance. Il était temps de la quitter , de prendre mon envol et de vivre ma vie. Pourtant, les choses se dérouleraient autrement et je prendrais mes responsabilités bien plus rapidement que je ne le pensais.
J'arrivais devant notre garage. Je m'avançais le plus silencieusement possible, laissant le pick-up à l'extérieur pour éviter de réveiller la famille alors que le soleil se levait. Première surprise quand j'arrivais sous le porche de l'entrée... La porte n'était pas fermée. Je la poussais doucement, m'attendant à voir sortir mon père du salon pour m'engueuler. Situation dont j'avais pris l'habitude au fil de mes soirées. J'entrais alors et le silence qui régnait ne me rassurait pas. Je m'avançais dans le couloir, parcourant le rez-de-chaussée sans que je ne vois quelqu'un.
« Vous êtes là ? Vous êtes réveillés ? » Aucune réponse. Je soupirais, posant mon sac sur la table de travail de la cuisine, et me servais un verre de jus d'orange. Un bruit attira alors mon attention. Je me retournais brusquement. Mais finalement, le silence reprit sa place dans la maison et je continuais de boire mon verre. Cependant, j'entendis de nouveau un bruit qui attira beaucoup plus mon attention.
« Y'a quelqu'un ? » Toujours pas de réponse.
« Si c'est toi papa, ce n'est pas drôle. » Je posais mon verre dans l'évier et décidais de monter à l'étage. Et là, vision d'horreur. Les étaient tapissés de sang. Je pouvais suivre au sol les traces
des corps tirés par les agresseurs. Je restais un moment la bouche-entrouverte, suivant pas à pas le chemin tracé contre mon gré. Je poussais légèrement la porte de la chambre de mes parents et découvrais dans la salle de bain adjacente leurs corps superposé l'un sur l'autre dans la baignoire. Je me retournais violemment et vomis mes tripes dans la poubelle. N'ayant pas le temps de pleurer, je me relevais rapidement pour rejoindre en courant la chambre de mon frère. Je le trouvais allongé sur son lit, agonisant, mais encore vivant.
« Ro...ry... » Son appel me déchira le cœur. Je me ruais sur lui, observant ses blessures sans savoir quoi faire. Je le pris simplement dans mes bras.
« T'inquiètes pas, on va te soigner... » Lui répétais-je plusieurs fois avant que les sirènes des flics résonnent.
« Fu...is... » Je l'écoutais sans vouloir l'abandonner mais, de ces dernières forces, il réussit à me pousser.
« Je t'aime, p'tit frère. » Et je m'enfuis, faisant mon sac rapidement et attrapant l'arme du crime pour retrouver les assassins et venger ma famille. Je n'oubliais pas les cartes de crédits et courais en direction du pick-up pour m'enfuir. Je me cachais non loin de là pour observer la scène. Les flics arrivèrent en trombe, fouillèrent la maison et les secours les rejoignirent rapidement. Les deux premiers corps sortirent dans des sacs noirs. Quant à mon frère, il le transportèrent sur un brancard, direction l'hôpital. Je me disais qu'il avait des chances de s'en sortir, qu'il vivrait. Mais quelques heures plus tard, alors que je restais informer des nouvelles, j'appris qu'il était décédé suite à ces blessures. Sans jamais me retourner, je quittais définitivement Phoenix, le coffre remplit d'argent liquide. Une nouvelle vie commençait mais pas celle à laquelle je m'attendais...
Secouriste à Twin Cover, j'étais toujours à la recherche des assassins de ma famille. Et cette enquête m'avait mené jusqu'à Twin Cover. Un chasseur en était responsable. Cela faisait maintenant dix ans que j'étais ici et que mes recherches n'avançaient plus. Ils se cachaient. Ils se terraient comme s'ils savaient que j'étais en ville pour eux. Ils avaient raison de me craindre car je n'avais plus rien à perdre. Seul la vengeance m'animait. J'étais devenu un loup solitaire aux yeux bleus et froid comme l'acier. J'avais tué une âme innocente après avoir perdu le contrôle d'une transformation de pleine lune. Je regrettais et culpabilisais mais je vivais avec pour survivre. Je n'avais pas le choix. Et torturer d'autres loups-garous, vampires et compagnies me donnait l'envie de me battre jusqu'au bout. Cette histoire m'insufflait une force incroyable et une détermination sans faille.
« Dis-moi où il se trouve ! Dis-le moi maintenant ou je t'égorge sur le champ !! » Hurlais-je envers ce chasseur que j'avais réussi à appréhender grâce à un plan bien ficelé et une ruse incomparable. Je sortais alors les griffes et en enfonçais une lentement, douloureusement et délicatement dans sa peau.
« Parles !! » Je continuais, accentuant sa blessure sous ses cris. Puis je m'arrêtais un instant et le regardais en
glissant mes griffes sous sa gorge.
« D'accord, d'accord... » Me répondit-il, apeuré. Je m'écartais donc, lui laissant un peu d'espace pour qu'il se croit en sécurité. Il se releva.
« C'est par là-bas... » Je le suivais dans son antre, entre les armes et les bouquins. Il ne me faisait pas peur. Et alors que je m'apprêtais à déposer ma main sur son épaule, ce dernier sortit une arme à feu remplit de balles en argent. Je me baissais à toute vitesse et me ruait sur lui pour lui briser la nuque. Je le relâchais mon emprise et le chasseur s'écroula à mes pieds. Je craquais ma cou et passais par-dessus son corps avec une totale indifférence.
Mon téléphone sonna. Je décrochais.
« Allô ? » C'était mon boss, le chef de la caserne, au bout du fil. Et pendant que je m'essuyais les mains et le bout des ongles, ce dernier m'ordonna de venir immédiatement à la caserne. Mon collègue avait eu une urgence et je devais le remplacer pour la nuit.
« D'accord, j'arrive immédiatement, chef ! » Je raccrochais et filais dans mon pick-up en abandonnant le corps de ce type. Perdu en pleine forêt, son refuge ne devait pas être connu et sa dépouille risquait de pourrir avant que quelqu'un ne le retrouve. Démarrant ma voiture, la même que je conduisais depuis mon départ de Phoenix, depuis que mon innocence avait été prouvé après l'enquête mené par la police (oui, j'avais été dénoncé comme meurtrier présumé mais rapidement innocenté), je me rendais sur mon lieu de travail. Une nouvelle garde m'attendait et j'appuyais sur l'accélérateur comme à mon habitude, dépassant de plus de 40 km/heure la vitesse autorisée. Une amande de plus, je m'en foutais. J'avais d'autres choses à penser...