Je n'ai pas eu les parents dont tout le monde rêve. Attentifs et présents. Proches et affectieux. Mes parents étaient loin de cet idéal. Nous n'étions pas très riche et cela les avait affecté considérablement. Mon père buvait à ne plus se rappeler le lendemain ce qu'il avait fait la veille. Il était même parfois violent. Ma mère, elle, était toujours absente, non pas qu'elle travaillait, mais elle se rendait chaque jour en ville pour satisfaire son besoin d'amour. Elle prenait soin de son apparence, et ne faisait pas attention à celle de l'enfant qui grandissait à côté d'elle. Je n'avais pas les parents rêvés. Mais j'avais Noah, mon frère. Et c'était mieux que toutes les familles idéales. C'était mieux que tout. Il s'occupait de moi, me protégeait de mon père, m'affirmait quand j'étais triste que l'ignorance de ma mère n'avait aucune importance et que du haut de mes neuf ans, j'étais mille fois plus belle qu'elle. Il m'avait promis que l'on partirait lorsqu'il aurait l'âge de l'indépendance. J'avais treize ans lorsque ce moment arriva enfin. Il avait travaillé dur pour gagner l'argent nécessaire à notre fuite. Il avait travaillé dur pour moi, pour que je puisse avoir la chance de vivre une vie heureuse. Nous partîmes très tôt ce matin-là. Mon père était ivre mort sur le canapé miteux du salon, ronflant comme une vieille machine rouillée. Il ne se réveillerait pas de sitôt. Ma mère n'était pas rentrée cette nuit, sûrement avait-elle trouvé cette source d'amour, le temps d'un soir. Noah s'empara des clés de la vieille voiture que mon père utilisait pour se rendre au bar. Nous quittâmes la maison sans laisser de mot. Il m'aida à monter dans l'habitacle et se mit au volant. Je me souviens avoir regardé longuement la bâtisse délabrée et m'être ensuite tournée vers mon frère.
" Allons y Noah. Ne restons pas une minute de plus. "
Il me fit un sourire sincère, alluma le moteur et nous nous mirent en route, quittant ce lieu que nous ne reverrions plus jamais.

La vie avait repris son cours. Une seule chose avait changé à présent. Nous étions heureux. Noah était la plus belle famille que j'avais jamais eu. A notre arrivée, nous avions acquerit un grand appartement dans l'est de Twin Cover, un ancien hangar vendu pour une bouchée de pain. Il était miteux mais nous en avions fait notre nid douillet avec le temps. Et puis c'était mieux que notre ancienne maison.
Mon frère avait trouvé un travail de barman qui lui prenait beaucoup de temps, mais aussitôt qu'il terminait ou lorsqu'il avait du temps de libre, nous le passions ensemble. Nous étions comme les doigts de la main, unis.
Il m'avait inscrite au lycée de la ville et je m'y étais vite intégrée. J'y étais devenue rédactrice en chef du journal, cheerleader et je m'étais même présentée comme délégué des élèves. Je m'investissais, et les gens m'aimaient beaucoup. Je profitais de chaque jour de cette nouvelle vie qui m'avait été offerte. J'en profitais comme si le lendemain elle pouvait m'être retirée. J'étais heureuse. Personne ne pouvait m'enlever ce bonheur, du moins c'est ce que je croyais.  
Nous étions le jour de la remise des diplômes, et c'était le plus beau jour de ma vie. Ce serait une journée chargée et j'avais hâte de la commencer. En tant que major de ma promo, je me devais de faire un discours devant toute l'école. Et je sentais d'ores et déjà le stress monter en moi. Je m'assis dans mon lit, le regard fixé sur le mur en face de moi. Noah vint me rejoindre peu de temps après et s'assit à mes côtés. Il ne dit rien, car il me connaissait et savait que ça ne servirait à rien. Il me prit simplement dans ses bras et me glissa à l'oreille.
" Je suis sacrément fier de toi. "
Cette simple phrase eu le don de me redonner la force nécessaire. Il se détacha de moi et me fit son sourire que j'aimais tant.
" Que ferais-je sans toi ? "
Il rit.
" Ça, je me le demande bien. "
C'est vrai, je ne serais rien sans lui. Il m'avait tout donner pour que je puisse avoir un avenir meilleur. Je lui devais tout.
Je me levais, m'habillais en conséquence et revêtit la longue robe noire. Un sourire se figea sur mon visage quand je vins me regarder dans le miroir. Ce serait une très belle journée.

Mon cœur battait la chamade. Non de plaisir mais de peur. Je sentis une douleur fulgurante dans mon crâne. Que s'était-il passé ? Je me souviens être montée sur une estrade et avoir lu mon discours avec une aisance qui m'avait étonné. Je revois les gens applaudir. Je revois le directeur me donner mon diplôme et tous les élèves lancer leur chapeau dans les airs. Je me rappelle avoir rejoint mon frère qui pleurait, et l'avoir prit dans mes bras. Je me souviens que nous étions montés dans la voiture pour rentrer et que j'avais hâte de revêtir la magnifique robe de bal rouge qui m'attendait étendue sur mon lit. Et à présent j'avais mal, je souffrais des pieds à la tête. Mes oreilles bourdonnaient affreusement fort. J'ouvris péniblement les yeux et gémit de douleur. Je me trouvais la tête en bas, toujours accrochée sur le siège avant.
" Noah ? "
Il ne me répondit pas. Je tournais la tête et sentit une vive douleur monter dans ma colonne vertébrale. Un cri s'échappa de ma bouche. Les larmes coulèrent sur mon front. Il n'y avait personne sur le siège à côté de moi.
" Noah !!! "
Je suffoquais à présent et appelais désespérément à l'aide. La porte s'ouvrit alors et je me mis à crier de peur.
" Calme toi Irina ! Ce n'est que moi ! "
La voix de Noah m'apaisa. Il vint me détacher en prenant soin de ne pas me faire mal mais je criais de douleur malgré moi. Il réussit à me sortir de l'habitacle et me fit asseoir contre la voiture.
" Que s'est-il passé ? "
" Il m'a semblé avoir vu quelqu'un sur la route. J'ai essayé de l'éviter et la voiture est partie en tonneaux. "
Il se releva et observa les alentours. Il faisait nuit à présent mais je ne savais pas quelle heure il était. Noah s'éloigna de quelques pas et me dit qu'il devait trouver le téléphone qui avait dû tomber de sa poche lors de l'embardée. Il cherchait depuis plusieurs minutes quand je vis une ombre s'approcher rapidement vers lui. Je n'eus pas le temps de le prévenir que celle-ci était déjà sur lui. Noah se mit à hurler alors que l'inconnu plantait ses crocs dans son cou.
La peur prit place en moi et me figea. Je ne pouvais plus ni hurler, ni bouger. Le corps de mon frère tomba par terre et l'ombre se releva, ses yeux rouges se fixant sur moi. C'est alors que l’adrénaline coula dans mes veines et que je retrouvai la pleine capacité de mon corps. Je me traînais désormais à terre, étouffant un cri à chaque pic de douleur qui montait à chaque mouvement que je faisais. L'inconnu allait bien trop vite et je savais qu'il me rattraperait, ce n'était qu'une question de secondes.
Je m'étalais alors de tout mon long sur le sol et attendais mon heure.
C'est alors qu'un immense loup apparut et s’élança sur l'ombre. Il lui sauta dessus et le plaqua au sol, plantant ses grands crocs sur sa gorge. La créature se débattait pour éviter que le loup ne lui arrache la tête.
Je sentais les forces s'échapper de mon corps. L'ombre rejeta le loup de toutes ses forces qui vint s'écraser sur un arbre non loin de moi. L'ombre s'enfuit. Mes yeux se fermaient lentement. Le loup se releva et avança vers moi. Lorsqu'il arriva à ma hauteur, j'étais tombée dans un sommeil peuplé de cauchemars.

Peur. Douleur. Ces sentiments revenaient en vague dans mon sommeil. Je voyais cette ombre menaçante avancer vers moi sans que je ne puisse rien faire. Je sentais la mort s'approcher. Je revoyais le corps de mon frère tomber au sol, inerte.
J'ouvris les yeux. La lumière ambiante m'aveugla et il me fallut quelques minutes pour m'y adapter. Ma respiration était haletante et j'avais beaucoup de mal à reprendre mon souffle. La pièce dans laquelle je me trouvais était blanche. Je n'entendais rien, ni les voix des infirmières qui essayaient de me calmer, ni le bip du moniteur qui montrait un cœur qui s'affolait, ni même ma propre voix qui criait son nom. Noah...
Le produit qu'on m'injecta dans le bras me fit repartir dans un sommeil terrifiant.
La seconde fois je n'ouvris pas les yeux sachant que la lumière me donnerait mal au crâne. Deux voix me parvenaient, l'une féminine et l'autre masculine. Celle-ci indiqua qu'il était policier et qu'il désirait poser quelques questions. A ces questions l'autre voix répondit.
" Elle s'appelle Irina Jefferson. Elle a été retrouvée devant l'hôpital dans un sale état. D'ailleurs l'on se demande comment elle a bien pu venir jusqu'ici, quelqu'un a dû la déposer. C'est la seule idée logique que l'on ait trouvé. Elle a de nombreux os cassés mais ses jours ne sont pas en danger. "
" La personne qui a été retrouvée près de la voiture se trouve être Noah Jefferson, le frère de la victime. Nous ne pouvons pas en dire autant de son état.. Nous l'avons retrouvé mort, vidé de son sang. "
" Vidé de son sang ?! Comment cela peut-il être possible ? "
" Nous n'en avons aucune idée malheureusement. Merci Docteur pour vos réponses. Veuillez nous prévenir dès qu'elle se réveillera, nous aurons quelques questions à lui poser. "
Six ans plus tôt, j'avais découvert l'existence de créatures surnaturelles. Créatures qu'à présent je traquais sans relâche. Surtout les vampires. Un de leur espèce avait tué mon frère et je les tuais par vengeance. Lors de l'enterrement de mon frère, alors que je déposais une rose sur sa tombe, je lui ai fait une promesse. Celle de le venger et de retrouver l'immondice qui lui avait fait ça.
Désormais je suis une chasseuse, impitoyable et sans ressenti. J'ai changé, ceux que j'ai connu auparavant ne le contredirait pas. Certains disent que je suis méconnaissable, que mon sourire a disparu. J'ai perdu mon frère, ma seul famille, alors je vous dirais que c'est un mal suffisant pour que je ne sois plus la même.