Je me trouvais face à l'immeuble de Stephen depuis une bonne dizaine de minutes déjà, et je n'avais pas bougé d'un millimètre. J'étais exactement à l'endroit et au moment où je voulais être depuis quatre ans maintenant. Il était là, à quelques mètres de moi, et je commençais à angoisser. C'était facile d'imaginer ce moment lorsqu'on y était pas. J'avais imaginé mille et une façon de le retrouver, de manière plus ou moins violentes. Je ne cessais de lui en vouloir pour m'avoir laissé alors que je ne me maîtrisais pas complètement. C'était de sa faute si j'avais tué Kyle. Il n'était pas le meilleur être humain sur terre mais il ne méritait pas pour autant de mourir. Mes yeux bleus acier me rappelaient encore et encore ce que j'avais fais, et que je ne pourrais pas réparer. Comment pouvais-je être sur qu'il n'allait pas me claquer la porte au nez ? Cela, je ne le saurais qu'en essayant de lui parler. Je repensais à son abandon si soudain, et de suite je retrouvais l'assurance et la colère que j'avais emmagasiné. C'était juste ce qu'il me fallait pour traverser la rue. C'était la fin de journée, et le quartier commençait à se remplir de ses habitants. Je souriais aux voisins, me montrant agréable alors que je me rendais jusqu'à la porte de son logement. Mon cœur battait à un rythme régulier afin de ne pas me trahir alors que je me tenais juste devant la porte.

C'était le moment décisif. Je ne savais pas à quoi m'attendre. Joséphine m'avait assuré qu'un alpha ne reniait jamais un béta quand il se présentait à lui. J'avais envie de la croire, mais quelque chose me disait que Stephen n'était pas comme les autres alphas. Déjà à l'époque j'avais perçu chez lui un côté sombre, et c'était sûrement ce qui m'avait plu. Moi la petite fille innocente je m'étais laissé approché par le grand méchant loup. Si seulement j'avais pu me douter que la métaphore était véridique.

J'avais préparé avec soin ma venue. Je portais une jolie robe ample bordeaux, un perfecto en cuir ainsi qu'une paire de bottes. Mon visage était soigneusement maquillé et mes cheveux blonds retombaient en cascade. J'avais dans les mains une boîte remplie de pâtisseries, les mêmes qu'il m'avait plusieurs fois acheté à Dublin. Je voulais me montrer sous mon meilleur jour pour qu'il voit ce que j'étais devenue, une femme forte. Du moins en apparence. Je pouvais le détester de tout mon être j'éprouvais quand même le besoin de lui plaire, de le rendre fier de moi. Il m'avait choisit pour devenir un membre de sa meute, je ne savais pas pourquoi moi et pas une autre mais je devais me montrer à la hauteur. Il y avait des côtés de ma nouvelle vie que j'appréciais et je ne pouvais remercier que lui. Je levais la main et toquais trois coup sec. J'inspirais et expirais, chassant toute trace de nervosité qu'il pourrait sentir. Je relevais la tête, et braquais mon regard droit devant moi. La porte s'ouvrit sur un homme d'une quarantaine d'année, je me focalisais automatique sur ses iris bleus. Il avait à peine changé. Je lui offrais mon plus beau sourire. « Bonsoir Stephen. » dis-je d'une voix enjôleuse. Il était toujours aussi séduisant que lorsqu'il m'avait abordé ce samedi-là quatre ans plus tôt. Vieillir lui avait réussis et je l'imaginais très bien s'en servir pour séduire de nouvelles recrues. « Ça faisait longtemps. » Mon sourire ne faiblissait pas car j'avais réussi mon effet de surprise. J'humais l'air pour y découvrir une odeur familière, la sienne. Je ressentis cette chaleur caractéristique lorsque je croisais un autre loup-garou, mais d'une plus forte intensité. Ça me forçait un faire un pas dans sa direction. Attirée comme un aimant, j'éprouvais le besoin de me rapprocher de lui. « Je n'ai pas oublié les règles de politesse, je ne suis pas venue les mains vides. » Je levais la boîte à hauteur de nos yeux, du carton souple rose poudré entouré d'un ruban. « Vas-tu me laisser dehors ? » Je me souvenais l'avoir toujours vouvoyer, mais ça c'était avant qu'il plante ses dents dans ma chair. J'attendais patiament sa réaction, mon petit sourire arrogant toujours collé sur mon visage.

Apparemment mon effet de surprise avait fonctionné. Je gravais son visage stupéfait dans ma mémoire. Pour une fois que j'avais la situation en main, je comptais bien en profiter. Il devait surement s'attendre à quelqu'un d'autre puisqu'il mit quelques secondes avant de prononcer mon prénom « Zinna ? » L'entendre dans sa bouche me fit un effet bizarre. Je n'avais plus tellement l'habitude qu'on m'appelle ainsi. Il s'avança vers moi, cherchant je ne sais quoi dans le couloir avant de me prendre par le bras et de me tirer à l'intérieur. «Qu'est-ce que tu fais là ? » Sa voix n'avait rien de calme. « Moi qui m'étais imaginé être accueillis chaleureusement, je suis déçue.  » Il me fixait, ses yeux ne lâchant pas les miens. Etait-il réellement en colère  ? Je ne pensais pas que ma venue le dérangerait à ce point. Je savais que je ne lui ferais sûrement pas plaisir, mais de là à s'énerver. « Comment as-tu trouvé mon adresse et qui sait que tu es là ?  » Je me souvenais pas de lui ainsi. Je ne l'avais jamais vu « agressif ». Je fis claquer ma langue « Relax. Personne ne sait que je suis là. Enfin, pas exactement là, à Twin Cover.  » Je posais la boîte de gâteaux dans la cuisine, en profitant pour observer un peu le lieu où il vivait. Le loft était assez grand, lumineux. Je remarquais la quantité d'objet entreposé, des objets d'aspect ancien. Je n'aurais pas imaginé Stephen comme un collectionneur. Je pouvais sentir les effets d'être avec son alpha. J'étais calme, sereine, en confiance. Même si de son côté je pouvais sentir qu'il 'était très agacé. Je me tournais de nouveau vers lui. « Ce que je fais là ? Eh bien, c'est simple non ? »dis-je en souriant « Je te cherchais.  »

Je ne voulais pas finir seule. Je ne voulais pas mourir. Joséphine m'avait bien expliqué la fin qu'on réservait aux oméga. Soit ils finissaient tué par leurs pairs soit tranché en deux par des chasseurs. Être dans une meute c'était s'assurer protection et force. C'est cela qui m'avait décidé à retrouver Stephen, en plus de vouloir comprendre pourquoi il m'avait abandonné. Je ne lui avais toujours pas pardonné son départ. « Tu pensais vraiment que je n'allais pas essayer de te retrouver ? » Mon ton auparavant joyeux s'était durcit. La colère que j'éprouvais revenait à moi. « Ça fait quatre ans que j'attends ce moment. Tu m'as laissé tomber, tu m'as laissé me débrouiller toute seule alors que je ne savais rien ou presque. Tu sais ce que ça fait d'être toute seule et d'avoir peur ?» Ma gorge s'était nouée au fur et à mesure que je parlais. Ce n'était pas comme cela que j'avais prévu ma visite. Je voulais me montrer forte et indépendante, mais tout ce que j'avais ressentis pendant ces années remontaient à la surface. J'étais en train de me ramollir devant lui, et ça devait sûrement lui faire plaisir. J'inspirais, essayant de reprendre contenance et de ne pas m'enfoncer. Je ne voulais pas lui raconter tout ce qui m'était arrivé, encore moins l'épisode Kyle. Je fronçais les sourcils. « C'est une autre alpha qui m'a aidé à retrouver ta trace. » Je ne dévoilais pas le nom de Joséphine, de peur de lui attirer des problèmes même si je doutais qu'il puisse la blesser. Sa meute était forte et solidaire, alors que Stephen ne semblait pas être entouré de nouvelles recrues comme je l'avais imaginé. « C'est assez paumé ici, tu as plutôt biens choisis ton coin. »

Alors que je m'étais attendu à ce qu'il me coupe dans mon discours, qu'il m’envoie paître et limite qu'il me vire de chez lui, Stephen resta silencieux. Il se contenta de m'observer. « Je le sais mieux que tu ne peux le penser. » Une simple phrase qui en disait long. Comment pouvait-il savoir ce que j'avais enduré ? Il ne s'en était jamais préoccupé, il ne m'avait jamais appelé ou écrit. Un simple signe de sa part aurait sûrement réussi à me rassurer et à éviter que je traverse un océan pour le retrouver. J'aurais pu faire ma vie, me trouver une meute et l'intégrer sans faire d'histoires mais j'avais besoin d'en savoir plus sur ce que j'étais et pourquoi j'étais devenu ainsi. Et ce besoin vital de retrouver Stephen m’empêchait de fuir. Je me demandais si tout les loups mordus ressentaient ce besoin d'être auprès de leur alpha. Lorsque j'avais mentionné l'autre alpha qui m'avait aidé, il ne lui avait pas fallu longtemps avant de prononcer le prénom de Jospéhine. Si il la connaissait, alors il s'était rendu en France, peut-être même au même moment que moi. Si c'était le cas, ça ne m'aiderait pas à décolérer. Le fait qu'il la connaisse m'inspira la crainte qu'il lui cause des problèmes. Il ne semblait pas vouloir être retrouvé et j'espérais vraiment qu'il n'en tienne pas rigueur à la française.
Il avoua être né à Twin Cover, c'était la raison pour laquelle il revenait ici. Maintenant ça semblait logique. Il voulait sûrement régner sur « son territoire ». Je ne voyais pas encore ce qu'il y avait de passionnant à faire ici mais il semblait y être attaché. Nous nous observâmes quelques minutes, nous jaugeant du regard. Puis il bougea enfin, me contournant pour se remettre à son travail comme si de rien n'était. Je détestais être ignoré «Dans la cuisine, il y a tout ce qu'il faut si tu as soif et faim. » Je fronçais les sourcils. Il n'était pas très chaleureux, encore moins respectueux du fait que j'avais apporté quelque chose à manger. « J'ai du travail, alors si tu veux me poser des questions c'est maintenant.» Je fis claquer ma langue, agacée Décidément...  »soufflais-je « Il n'y a que moi suis reçue ainsi ou tout le monde a le droit au même traitement ? »

Je l'observais quelques instants. Il semblait intéressé par un cadre, il l'observait sous toutes les coutures. Je me rendais comptais que je ne savais pas grand chose sur lui. Jusqu'à aujourd'hui j ne savais même pas où il était né. Il semblait vouloir garder une part de mystère sur sa vie, ce qui n'était pas très juste étant donné qu'il en savait beaucoup sur moi. J'essayais de deviner son métier. Un truc en rapport avec des antiquités sans aucun doute car il était méticuleux dans sa façon de travailler. « Tiens, rends toi utile et amène moo un verre d'eau et un gâteau que tu as pris. » dit-il sans me regarder. Ma réponse fut automatique. « Tu me prends pour ta bonne ?» répondis-je d'un ton sec. Il s'arrêta quelques secondes avant de reprendre ce qu'il faisait. J'étais impulsive, et parfois je regrettais après coup. C'était le cas cette fois-ci. Me montrer arrogante ne le mettrait pas en condition pour me parler. Se soumettre à un alpha était naturel pour un béta, et je pouvais déjà sentir mon loup se replier sur lui-même. Je jurais mentalement avant de me déplacer vers la cuisine. Je cherchais la vaisselle dont j'avais besoin avant de délicatement poser une pâtisserie dans une assiette avant de lui apporter sa commande. J’espérais au moins qu'il me complimente là-dessus. « Tu as vraiment de la chance que je sois dans un bon jour.» C'était ma façon à moi de me dire « Non tu n'es pas soumise, tu es juste polie » C'était le mensonge en lequel je tentais de croire. Je tirais une des chaises de la table à manger et m'asseyais dessus, les pieds croisés sur la table. Je prenais volontairement mes aises pour le tester, au risque de me prendre une raclée. « Alors comme ça, tu viens t'enterrer dans une ville paumée où tu restaures des vieux objets , souriant aux habitants et tutti quanti ? » dis-je en observant un peu son loft. « Je ne m'attendais pas tellement à ce que tu ai une existence si... classique ? Oui classique. » Peut-être était-ce mon côté amatrice de roman mais j'avais imaginé le retrouver dans une ville plus vivante, bruyante, où il aurait une grande meute. Quelque chose de plus excitant quoi. « Dis moi qu'il y a de quoi s'amuser ici sinon je risque de mourir d'ennuis.» Ma phrase sous-entendait que je voulais rester. C'était en partie vraie. Je ne savais pas encore combien de temps mais je voulais passer un peu de temps par ici avant de savoir ce que j'allais faire de ma vie. J'enlevais mes pieds de la table avant de croiser mes bras dessus et de poser ma tête. Je lui offrais un grand sourire « Et ton neveu ? Il est comment ? » C'était un sujet que j'avais envie de garder pour plus tard, mais puisque je voulais le connaître, autant chercher à en apprendre plus sur lui dés maintenant.