J'ai vu le jour il y a dix-neuf ans, dans la petite ville de Dalton au nord de la Georgie. Avant même d'emettre mes premiers pleurs, mes parents savaient que je ne serais pas un simple nourrisson, tout comme leurs parents l'ont sut pour leur propre progéniture. En effet, je suis née dans une famille de loup-garous, don - ou malédiction - que j'ai reçu en héritage dès mes plus jeunes années. J'ai toujours accepté et assumé mes origines car je n'ai jamais été une louve isolée. Chaque personne constituant mon entourage partageait mon secret. Ma famille, mes amis, les amis de mes parents tous faisaient partie de notre meute. J'étais une fillette épanouie, prenant très à coeur son rôle au sein du groupe, même si je n'étais que trop jeune pour avoir de vraies responsabilités. Notre meute était toute ma vie. La loyauté, l'esprit familial, me sentir protégée, me savoir partie intégrante d'une telle communauté, pour rien au monde je n'aurais laissé ça de côté, ou échangé ma vie avec une autre personne. Nous n'étions qu'un, et jamais je n'aurais imaginé que cela puisse prendre fin un jour.
Je n'avais que huit ans lorsque mon monde s'écroula autour de moi, balayé tel un château de cartes. Je me souviens encore des cris de mes proches martelant mes tympans tandis que ma mère essayait de me cacher tant bien que mal. Je me souviens encore des rugissements des loups répliquant à l'attaque ennemie. Je n'avais absolument aucune idée de l'identité de nos assaillants. Tant de personnes auraient put nous vouloir du mal. Vampires, Chasseurs, Loups, nombreux étaient nos ennemis. Aujourd'hui encore je n'ai put mettre la main sur nos agresseurs, bien que je rêverais de pouvoir leur faire payer le prix fort. Ils ont massacré tous ceux auxquels je tenais. Mes parents, mes amis, personnes âgées, enfant, tout le monde y est passé. Je peux presque encore sentir l'odeur du sang partout dans notre repère, le liquide chaud couler sur ma joue tandis que ma mère sacrifie sa vie un mètre au dessus de moi afin de protéger ma vie. Lorsque je ferme les yeux, je vois son corps tomber sur le parquais, et son regard vide se poser sur moi à travers les lattes de bois tandis que j'essaye d'étouffer mes pleurs. Cette nuit la fut la plus longue de ma vie. En effet, elle dura plus de 4 ans.


Je me suis endormie sous le corps agonisant de ma mère. Je ne suis restée dans les bras de morphée que l'espace de quelques heures, juste le temps pour les meurtriers de quitter les lieux, laissant des dizaines de cadavres derrière eux. A mon réveil, je suis sortie de ma cachette, et j'ai trébuché sur ceux de mes parents. J'ai plongé mes mains dans leur sang et senti leurs corps glaciaux contre ma peau mais je ne réagissais déjà plus. Je n'étais déjà plus. J'étais loin, très loin à cet instant là. Si loin que je n'ai pas senti la bête en moi me dominer, jusqu'à m'effacer. Je lui ai laissé le champs libre, je n'ai pas cherché à me battre. J'avais déjà tout perdu après tout. C'est alors que mes traces de mains et de pieds se sont transformées en traces de pattes, que ma chevelure a laissé place à une crinière, et que mes pleurs se sont transformés en jappements et hurlements. Minnie n'était plus. Le loup l'a submergée, ne faisant plus qu'un avec elle. Avec moi. J'ai donc quitté les lieux de mon enfance sans jeter un seul regard derrière moi, tirant un trait définitif sur mon passé. Mes quatre prochaines années se sont alors réduites à la chasse, et à de nombreux trous noirs. Je ne peux me rappeler de tout ce qui m'est arrivé, ou ne veux. Mêmes si ces temps furent les plus sombres de ma vie, je pense être en pouvoir d'affirmer qu'ils furent les plus paisibles de mon existence. J'ai mit ma souffrance de côté et ai apprécié les joies de la vie sauvage. L'air de la forêt dans mes naseaux, la terre fraiche sous mes pattes, jamais je ne me suis sentie aussi vivante.


L'odeur se fait plus forte à chacun de mes pas. Je peux sentir sa présence tout près de moi. Cette fois-ci, je suis certaine de mon coup, je l'ai traqué depuis plusieurs jours n'hésitant pas à m'aventurer jusqu'aux sommets des alpages. Quant à lui, il n'a jamais remarqué ma présence, bien trop occupé à chercher ses autres congénères. Il y a quelques semaines, j'ai réussit à disperser sa harde, simulant une attaque en meute, ce qui m'a permis de l'isoler des autres, et ainsi le rendre à portée de griffes. Depuis je le suis sans cesse, attendant le moment propice afin d'abattre mes crocs dans sa fourrure. Même si la faim me tiraille, je préfère chasser sans risquer de laisser ma proie s'échapper. Lorsque j’aperçois ses cornes se mouvoir tandis qu'il se nourri, je fléchis mes pattes et rapproche mon corps le plus près du sol. Les conditions semblent être de mon côté car le vent ne souffle pas dans sa direction, ce qu'il l'empêchera de repérer mon odeur avant que je ne puisse bondir. Mes griffes raclent le sol, prête à me mettre en action, lorsque le chamois en question relève subitement la tête, comme interpellé par quelque chose. Je n'ose pas bouger, ne voulant pas risquer de trahir ma présence. Quelque chose a attiré son attention et rien n'affirme qu'il s'agisse de moi. Au bout de quelques secondes, je prends la décision de profiter de son manque d'attention pour bondir, mais la bête fuit à toute allure. Je tente de la rattraper, mais je comprends vite que ma chance s'est envolée. Des semaines de traque réduite à néant. Et tout cela à cause de quoi ? Je me le demande bien. Je suis toujours persuadée de ne pas en être la cause. Quelque chose l'a fait fuir et je voudrais savoir quoi. Mais mes interrogations ne restent pas longtemps sans réponses, car le vent se met soudainement à tourner, entraînant jusqu'à mes narines des odeurs de souffre et de bois brûlé qui m'arrache un éternuement. Mon coeur s'emballe à la seconde où je comprends ce qu'il se passe. La forêt brûle, et si j'en crois mon odorat, les flammes ne doivent plus se trouver bien loin à l'heure qu'il est. Je ne perds pas une minute pour me mettre à mon tour en fuite. Un incendie n'est jamais une bonne chose pour la flore, mais l'est certainement moins pour la faune. Ce n'est pas pour rien si les animaux se dirigent vers les villes et villages lors de ce genre de catastrophe. Nous ne craignons pas tant de perdre notre belle maison, mais plutôt d'y laisser la peau. Mes pattes foulent alors la terre aride aussi vite que mon corps me le permet. Mais je n'ai pas l'impression de pouvoir me sortir d'affaire car il fait de plus en plus chaud sous ma fourrure et je peux voir des particules de cendres voleter autour de moi. Tout cela est mauvais signe. Je tente un rapide coup d'oeil derrière moi, pour découvrir que le vent pousse les flammes à me poursuivre. Et lorsque je redirige mon regard vers ma destination, je m’aperçois que trop tard que je me dirige directement dans le feu. J'ai juste le temps de faire demi tour, brûlant au passage un de mes coussinets sur une bûche brûlante. Maudit enfer. Vais-je donc mourir ici ? En fuite, telle une proie ? Certainement, car une branche de deux fois ma taille termine sa chute sur mon dos, me clouant au sol, entourée par les flammes. La fumée commence déjà à consumer ma conscience, et j'ai juste le temps d'entendre des appels humains avant que ma vue ne se brouille.
Ce n'est qu'une fois l'incendie maîtrisé, et mon corps considérablement refroidit que je reprends enfin conscience, mais cette fois avec le corps d'une demoiselle.

Quel est mon nom ? Comment suis-je arrivée dans cette forêt ? Pourquoi n'étais-je pas habillée ? Où se trouve ma famille ? Telles furent les nombreuses questions qui rythmèrent les mois de ma vie qui suivirent mon retour à ma forme humaine. Bien entendu, personne ne se doutait que j'étais en réalité un loup-garou qui avait été coincé dans sa forme de loup pendant plusieurs années avant de se retransformer suite à une chasse qui aurait mal tourné. Personne n'aurait put savoir. Mais tout le monde voulait que je fournisse une explication et c'est ce que j'ai tenté de faire. J'ai expliqué que je ne me souvenais de rien, hormis de mon prénom, Minerva. Que mon passé m'avait échappé, tout comme la raison de ma présence dans ces bois. Les médecins ont mit cela sous le choc de l'arbre et ont tenté par tous les moyens de faire resurgir ma mémoire dans un premier temps. Mais aucune de leurs techniques n'ont marché, évidemment. Mon amnésie n'était qu'une vaste farce, afin de ne pas avoir à m'attarder sur les détails de ma vie. Jamais ils n'aurait put comprendre, et tout ce que j'aurais récolté aurait été un séjour parmi les fous. Alors j'ai préféré jouer la comédie. Il ont aussi tenté de retrouver des membres de ma famille, mais aucun avis de recherche n'ayant été publié, ils ont abandonné. Ensuite ils se sont mit à me chercher une famille d'accueil. Bien entendu, ils ont dut entre temps s'occuper de mes quelques blessures, et surtout de mon état psychologique. Avoir vécu dans les bois ne m'a pas rendue des plus sociables. J'ai passé les portes de nombreux psychologues et assistantes sociales afin de me "rééduquer". Je me comportais comme une enfant sauvage, puisque j'en étais une. Une fois plus ou moins "réparée", ils m'ont confié à un couple avec un jeune garçon d'une douzaine d'années tout comme moi, en se disant que cela serait le meilleur environnement qu'ils pourraient m'offrir. Mais ils ont eu tord, car après la vie sauvage, aucun autre milieu qu'une forêt ne pouvait me convenir.

En effet, ma nouvelle famille ne m'a absolument pas convenu. C'est compliqué à expliquer, mais l'isolement que j'ai vécu pendant quatre ans m'a rendue allergique à l'autorité des autres. Je suis une fille qui supporte très mal qu'on lui dicte sa conduite et le tempérament de loup-garou n'a absolument rien arrangé. Toujours en rébellion, jamais intéressée par quoi que ce soit en rapport à la famille, j'étais une vraie catastrophe. Je m'attirais autant d'ennuis que possible, je n'assumais qu'à moitié mes erreurs, bref je rendais la vie de ma famille adoptive infernale. Maintenant que j'y pense, je me dis que c'est parce que j'ai été sans Alpha pendant un trop long moment, et surtout pendant la mauvaise période : l'enfance et l'adolescence. Fort heureusement pour moi, il y avait Tobias. Tobby c'était le fils de ma famille d'accueil et donc dans un certain sens mon frère adoptif. Au début nous avons eu pas mal de mal à nous entendre. Il était sociable et attentionné, j'étais farrouche et insolente. Mais il n'a jamais voulu laisser tomber et à force de venir vers moi, j'ai finit par lui accorder ma confiance et nous sommes rapidement devenus comme de meilleurs amis. Il était le seul à avoir cet effet apaisant sur ma personne, mais avec les années c'est moi qui ait finit par déteindre sur lui. Je l'ai poussé à me suivre dans mes conneries et j'ai même eu une histoire avec lui. Je ne sais pas ce qui nous a pris, nous savions que c'était techniquement interdit de nous aimer, mais je suppose que c'est pour ça que j'en avais encore plus envie. Comme si me faire mon frère adoptif allait être mon ultime connerie, la cerise sur le gâteau. Et ce le fut. Car quand après quelques retrouvailles au commisariat, ses parents nous ont un jour surpris tous les deux, alors que nous pensions être seuls. Ils m'ont très souvent pardonné la plupart de mes erreurs, mettant tout cela sur le dos de mon "traumatisme", sur le fait que j'étais un peu spéciale et que je finirais par aller mieux et me ranger. Mais ma relation avec Tobias fut la goûte d'eau qui déborda du vase.

Suite à tout cela, ma famille adoptive n'a plus toléré ma présence sous leur toit et c'est donc sans grande peine que j'ai quitté leur foyer. Je savais bien qu'un jour cela finirait par arriver. J'avais presque forcé le destin en leur ayant rendu la vie aussi dure. Avec le recul, je me dis que j'ai certainement abusé de leur hospitalité, mais c'était plus fort que moi. C'est ma nature, je suis ainsi et on ne me changera pas. Il m'est aussi arrivé une ou deux fois de tenter de contacter Tobbias, mais ses parents se sont toujours interposés et je n'ai donc plus jamais eu de nouvelles de lui depuis. Et ça ne m'arrange pas trop cela, car je m'étais vraiment attaché à lui. Je n'irais pas dire que j'en était amoureuse, mais il était vraiment d'excellente compagnie et mes sentiments envers lui étaient tout de même assez forts. C'est alors que j'ai déambulé de villes ne villes, principalement dans l'état de Géorgie. Je me suis faite virer à gauche et à droite, jamais vraiment la bienvenue nulle part. Je suppose que je me chercher une maison, peut-être même une meute ? C'est après mûre réflexion que je me suis dit qu'il était peut-être temps que je me trouve une nouvelle famille, identique à moi cette fois. J'ai cherché d'autres loups, sans jamais vraiment aboutir à la moindre piste. Puis un jour je suis passée dans une ville voisine à Twin Cover, et ai entendu parlé de la mystérieuse vague de meurtres dont la ville était victime.